Position d’Agir pour la Paix sur les menaces de frappes punitives en Syrie.

Bruxelles, vendredi 13 septembre 2013

Alors que l’agitation politique et médiatique nous prépare à une intervention militaire imminente en Syrie, Agir pour la Paix rappelle que le choix ne se limite pas au dilemme moral présenté, bombarder ou ne rien faire.

Les frappes militaires des États-Unis et de la France ne feraient qu’aggraver le conflit syrien qui perdure depuis plus de deux ans, et ce notamment à cause des livraisons d’armes de ces deux pays à l’armée syrienne libre. Bien loin d’être protégés, d’autres civils mourront inévitablement et le conflit n’en deviendra que plus complexe et plus profond.

Les Etats-Unis et la France tentent de justifier leur possible agression par des prétendues preuves irréfutables, qu’ils refusent de révéler au grand jour, et par l’obligation d’agir en tant que garants ultimes d’une norme internationale, primant, semble-t-il, sur toute autre. Or de telles actions de justicier sont elles-mêmes totalement illégales au regard du droit international. Prétendre détenir des preuves ne donne aucune légitimité à des actions « punitives ». Au minimum, les responsables doivent être mis en accusation et les preuves présentées devant la Cour pénale internationale.

Le conflit syrien perdure depuis deux ans et demi et les conséquences de cette guerre sont aussi désastreuses que toutes les autres. Pour Agir pour la Paix, aucune guerre n’est acceptable.

Ce qui se passe en Syrie est un drame depuis le début du conflit. Il n’y a aucune raison d’avoir attendu qu’il y ait des dizaines de milliers de morts et des dizaines de milliers de déplacés pour s’indigner. Mourir suite à une attaque chimique ne rend pas le crime plus inacceptable que de périr d’hémorragie par balles ou même de perdre la vie sous des missiles tirés depuis un drone commandé  à distance. Dans tous les cas, les dizaines de milliers de victimes sont des êtres humains dont la vie aurait du être respectée. C’est donc une folie que de vouloir rajouter des morts, des tueries et des destructions parce que des citoyens syriens auraient été tués avec des « armes de la pire espèce ». Toutes les armes sont de la pire espèce.

Sur les entrefaites de cette terrible actualité, la rhétorique guerrière des dirigeants occidentaux est devenue inquiétante. D’autant que s’énonce une série d’options insensées qui consisterait à s’engager dans des attaques militaires ou dans la livraison d’armes aux belligérants.

Le « blocage » au sein du conseil de sécurité de l’ONU résultant des vétos russe et chinois assure un rempart temporaire contre le risque d’un embrasement plus vaste et plus destructeur encore. En effet, bien loin d’être neutres, les États-Unis et leurs alliés dans cette région du monde – en particulier l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie – sont profondément impliqués dans le conflit en Syrie, notamment en armant et en entraînant des forces d’opposition au régime Assad, dont certaines djihadistes. De l’autre côté, la Russie, principal fournisseur militaire et soutien politique du régime syrien, tient beaucoup à conserver ce pays dans sa sphère d’influence. Le Hezbollah libanais et l’Iran, également impliqués du côté du régime syrien, se voient comme les prochaines cibles des Etats-Unis. Dans de telles circonstances, il n’est pas impensable qu’ils répliquent aux frappes étasuniennes en visant Israël ou des intérêts occidentaux dans la région. Les risques d’une conflagration régionale, voire même mondiale, sont donc bien réels.

Pour Agir pour la Paix, tous les efforts doivent, au contraire, être déployés pour désamorcer les affrontements armés et favoriser la construction progressive d’une solution politique, authentiquement syrienne, au conflit.

Nous restons convaincu que seule la voie du dialogue et de la négociation entre toutes les composantes de la société syrienne, avec le soutien ferme de la communauté internationale, pourra mettre fin à cette guerre et aux violences qui, chaque jour, causent la perte de tant de vies humaines.

Pour cela, il faut exiger un cessez-le-feu immédiat, l’arrêt de toutes les livraisons d’armes aux belligérants et l’amorce de négociations, sans condition. Outre le régime et les oppositions syriennes armées, ces négociations doivent également inclure des représentants des mouvements syriens d’opposition non armés, des organismes qui œuvrent sur le terrain pour favoriser la désescalade du conflit et la réconciliation. Et elles doivent être placées sous l’égide de l’ONU, mais hors du contrôle des grandes puissances.

Là se trouvent les préoccupations humanitaires qui devraient inciter la communauté internationale à rechercher la paix et mettre fin à la souffrance du peuple syrien.