Au moment où l’actualité est pleine de la guerre en Ukraine, où les pacifistes sont amenés à justifier pourquoi ils condamnent la guerre, où Poutine et Zelenski pourchassent les objecteurs de conscience, il faut rappeler que les non violents sont aussi et surtout des résistants.
Je regarde à la télévision ce matin du 10 septembre 2023 la cérémonie de Paris commémorant la Shoah et j’entends l’évocation du village du Chambon-sur-Lignon où des enfants juifs ont pu bénéficier de la protection des habitants pendant la dernière guerre. Je veux, à l’instar de Jean Jacqmain, qui m’a attiré il y a plus de cinquante ans dans la non violence, évoquer les figures de nos prédécesseurs.
Au Chambon-sur-Lignon, l’inspirateur était André Trocmé, pasteur protestant comme Henri Roser qui y acheminait des réfugiés et comme lui, militant non violent du Mouvement International de la Réconciliation (MIR.) Pour eux et leur entourage, la solidarité allait de soi, personne ne craignait la dénonciation parce que la résistance était inscrite dans les gènes. Le village, lui-même reconnu « Juste parmi les Nations » à Yad Vashem, est devenu le symbole du sauvetage de 60000 enfants juifs sur les 70000 qui résidaient en France.
Mais, comme souvent, et cela a été rappelé ce matin à Paris, il y a eu des centaines de personnes qui ont accompli des actes de résistance dans le parfait anonymat.
Jean a aussi découvert sur Google, dans les archives de l’Église protestante unie de Belgique les actes accomplis par la pasteur Émile Jéquier. Alors en poste à Frameries, il a hébergé dans son presbytère une famille juive de quatre personnes … qu’il fallut nourrir avec les trois cartes de ravitaillement dont sa famille disposait ! « Heureusement, il y avait du hareng en quantité et nos pommes de terre ». Je me rappelle Émile, devenu trésorier de la branche belge du MIR ; c’est à lui que j’ai payé ma première cotisation, en 1972. Son épouse et lui aimaient que les réunions se déroulent chez eux, à Namur. Pour leur retraite ils ont ensuite regagné leur Suisse natale.
Je voudrais aussi évoquer une autre figure du Mouvement international de la réconciliation (MIR) : c’est le père Paul Lebeau, jésuite. Nous avons évoqué son décès dans un numéro du « Sentier ».
Jean me signale que l’encyclopédie Wikipédia parle de ce théologien et du crédit dont il disposait auprès des hautes autorités religieuses et notamment du Cardinal Suenens. Par contre la notice omet complètement de dire qu’il a été président du MIR dans les années septante ; en regardant de très près le texte et les notes en bas de page, on peutcependant trouver l’évocation de l’acte qu’il a posé avec des militants du MIR et du Mouvement Chrétien pour la Paix au Te Deum du 11 novembre 1972. Son geste a fait l’objet de la couverture de Paris-match. Il a surgi en aube et avec l’étole sacerdotale dans la cérémonie en demandant solennellement que les armes n’entrent plus dans l’église. En effet des militaires formaient une haie armée dans la nef principale.
Il a obtenu la fin de cette pratique.
Jean Louis Vander Heyden