Des amis qui avaient obtenu le statut d’objecteur de conscience durant la période de milice nous ont demandé quelles conséquences pourrait avoir l’éventuelle réapparition de la conscription en Belgique à la suite de la guerre en Ukraine. Si cette possibilité devenait réalité, nous aurions pour tâche de nous assurer que le statut des objecteurs de conscience soit lui aussi rétabli ipso facto.
La question mérite d’être évoquée car les informations qui nous parviennent d’Ukraine indiquent l’arrivée de complications sérieuses : la loi martiale qui y a été décrétée peut suspendre le droit à l’objection de conscience, comme elle suspend aussi certaines libertés. Il importe de souligner que les législations sur les droits humains ont été adoptées précisément pour protéger les personnes dans les circonstances où ces droits sont menacés. La période de guerre est justement l’une de ces circonstances.
Par ailleurs, le président du Conseil européen, Charles Michel a déclaré ce 4 septembre 2022 à midi à RTL télévision qu’il était favorable au service militaire obligatoire pour les hommes et pour les femmes.
Notre juriste bénévole à Agir pour la paix, a rédigé la mise au point ci-après, en réponse aux questions de nos amis. N’hésitez pas à prendre contact avec nous si vous en avez d’autres.
Rappelons aussi que le registre des objecteurs de conscience évoqué au point 7 du texte ci-après est toujours ouvert au 35 rue Van Elewyck à Ixelles, au siège d’Agir pour la paix.
Jean Louis Vander Heyden, président.
- La législation de milice (30.4.1962) s’appliquait à tous les hommes. Le statut des objecteurs de conscience constituait une exception à l’obligation du service militaire ; l’article 1er des lois coordonnées le 20.2.1980 (statut des OC) commence d’ailleurs par « Le milicien qui… ». Parce que ce statut organisait le service de remplacement (militaire non armé ou civil), il a fallu suspendre son application parallèlement, mais distinctement, par rapport à la législation de milice : d’où les 2 lois du 31.12.1992.
2. Cette suspension ne visait qu’à mettre fin à l’appel en service de nouvelles classes de miliciens (et, éventuellement, à de futurs rappels de ceux qui avaient accompli leur service). Elle n’avait pas d’effet sur le passé, de sorte que ceux qui avaient été reconnus OC et n’y avaient pas renoncé (comme c’était possible), le restent jusqu’au trépas
- Cependant, garder le statut n’a plus qu’une portée très limitée pour quelqu’un qui, de toute manière, n’aurait plus d’obligations de milice du tout, càd après le 31.12 de l’année de ses 45 ans. Reste l’interdiction professionnelle à l’égard d’emplois qui impliquent le port d’une arme ou la fabrication et la vente d’armements, laquelle conserve son intérêt aussi longtemps que l’intéressé souhaite exercer une activité rémunérée. On peut penser aussi à d’autres usages. Exemple : j’étais dans la cinquantaine quand un collègue de l’ULB a cru bien faire de suggérer mon nom pour un cours de droit social vacant à l’École royale militaire ; j’aurais pu répondre seulement « non merci », mais je me suis fait un plaisir de préciser à l’ERM qu’il y avait erreur sur le bidasse.
4. Donc, pas d’inquiétude quant au maintien de la qualité d’OC. Il y a seulement une difficulté d’accès à la preuve administrative parce qu’après la suspension, le ministère (SPF) de l’Intérieur s’est empressé de supprimer ses services de milice et de l’objection de conscience. Néanmoins, la liste des OC reconnus existe bien puisque nous avons pu vérifier que les services compétents (aujourd’hui, le Service fédéral des Pensions) avaient l’info lors de la constitution des dossiers de retraite. Pour le surplus, l’e-adresse suivante doit permettre d’obtenir ses apaisements : helpdesk.belpic@rrn.fgov.be.
- Ainsi, dans l’hypothèse audacieuse où le gouvernement fédéral proposerait au parlement de mettre fin à la suspension des obligations de milice sans modification des lois coordonnées le 30.4.1962, il n’y aurait toujours pas d’effet sur les gens qui n’ont plus d’obligations.
- Par contre, à l’égard des plus jeunes, y compris les femmes si la législation de milice était quand même modifiée pour les inclure, Agir pour la Paix devrait s’employer à faire lever aussi la suspension de l’application du statut des OC, et à le faire étendre aux femmes.
- Quant au registre qu’APLP a ouvert à l’occasion des 50 ans du statut, il n’a aucune validité juridique (mais toute sa valeur morale et politique). Tout au plus, dans le contexte de panique patriotique qu’impliquent les points 5 et 6 ci-dessus, un/e candidat/e à la reconnaissance comme OC pourrait-il/elle produire son inscription dans le registre « en temps non suspect » comme élément de preuve de la sincérité de ses convictions pacifistes.