Projet sur la Syrie avec des jeunes

Agir pour la paix a lancé un projet sur la Syrie et des jeunes, en partenariat avec Amnesty, Médecin du monde, la Délégation générale aux droits de enfant et la CNAPD. Des jeunes, profitant des semaines blanche, se réunissent pour aborder et essayer de comprendre les problèmes de la Syrie.Dès lundi, une quinzaine de jeunes belges seront accueillis dans et par les médias.

 

C’était le 17 février 2011, dans un souk de Damas. Ce jour-là, un officier de police a frappé un garçon dans la rue. Quelques minutes plus tard, 10 000 personnes se réunissaient à cet endroit en scandant : ‘Le peuple syrien est un peuple libre’. Pour nous, c’était un moment très fort. Peut-être même les prémices d’un futur soulèvement populaire”, raconte Yahia.

Autour de lui, un silence religieux. Ayoub, Nadia, Germain et les autres l’écoutent, l’observent. “On a donc commencé à s’organiser… pour le 15 mars 2011 précisément. Sur la page Facebook de la révolution syrienne, 40 000 personnes s’étaient inscrites. Le jour venu, le 15 mars donc, nous étions cinq dans la rue. Cinq sur quarante mille”.

Il s’arrête quelques instants, puis reprend. “Pour ma part, j’étais sorti dans la rue en me disant que je ne rentrerais plus à la maison. Soit j’allais mourir d’une balle dans la tête, soit j’allais être emprisonné à vie et le peuple syrien se soulèverait alors contre Bachar el Assad. Nous avons manifesté pendant quinze minutes environ. Puis nous avons été arrêtés, interrogés. J’ai passé 27 jours de torture insupportable. Jusqu’au jour où ils m’ont jeté dans la rue (…)”.

Le témoignage de Yahia Hakomme, étudiant et activiste syrien aujourd’hui réfugié en Belgique, est fort et poignant. La journée commence en puissance pour les jeunes belges ayant répondu à l’appel.

“Yahia vous donne son vécu, son opinion, son histoire et je pense qu’il y a une immense sincérité dans son témoignage, cadre Pierre Verbeeren, directeur général de Médecins du Monde. Mais c’est à vous à vous faire votre propre opinion sur le conflit syrien. Il n’y a pas qu’un seul peuple belge, il n’y a pas qu’un seul peuple syrien. Il y a une diversité d’acteurs, une diversité de pensées. Le blanc et le noir n’existent pas. Vous devez vous faire une opinion et l’alimenter. C’est précisément ce que nous allons faire durant toute cette semaine”.

Sept jours de réflexion et de passion

Effectivement, depuis jeudi et ce, jusqu’au vendredi 28 juin prochain, une quinzaine de jeunes âgés de 16 à 24 ans et venus de milieux et d’horizons différents, ont été invités par de multiples associations (Délégué général aux Droits de l’enfant, Amnesty international, Médecins du Monde, Agir pour la paix…) à se réunir pour réfléchir et faire entendre leur voix sur le conflit syrien et ses répercussions en Belgique. Plus précisément encore, pour tenter de répondre à cette question posée récemment et largement relayée par les médias belges : “Pourquoi certains jeunes de notre pays veulent-ils aller combattre en Syrie ?”.

“Dans ce conflit, on a beaucoup parlé des rebelles, on a beaucoup parlé de la question de la radicalisation notam ment dans certains quartiers populaires, et des émotions suscitées. On a beaucoup parlé des jeunes aussi, mais on ne leur a jamais donné la parole”, déplore Bernard De Vos, délégué général aux droits de l’enfant. Qui s’adresse directement aux jeunes : “Notre objectif aujourd’hui, c’est donc de vous donner la parole, de vous donner les outils vous permettant d’exprimer tout ce que ce conflit en Syrie a éveillé et éveille chez chacun de vous”.

Dans nos colonnes, sur les ondes, en TV…

Des outils ? Presse écrite, radio, télévision, multimédias, des moyens “actuels”. Ainsi, dès lundi et ce, jusqu’à vendredi, les principaux journaux écrits, parlés et télévisés de la Fédération Wallonie-Bruxelles accueilleront, le temps d’une réunion de rédaction, les jeunes en leur sein et diffuseront leurs productions réalisées préalablement grâce au savoir-faire d’une série d’animateurs.

“Lorsque les jeunes s’expriment dans leurs quartiers, dans des petits journaux d’associations, ils ne sont entendus nulle part, du moins de manière large, constate Bernard De Vos. L ’idée, c’était donc de demander à de grands médias d’ouvrir leurs colonnes, leurs journaux parlés et télévisés à ce que les jeunes vont pouvoir dire. Et je dois dire que nous avons été surpris très positivement de voir l’intérêt qu’ils portaient à notre projet”.

Des productions écrites et audiovisuelles donc que les jeunes produiront sur base de réflexions, débats et autres rencontres (mamans dont les enfants sont partis combattre en Syrie, activistes syriens, experts, politiques belges…) qu’ils auront menés ensemble.

Avec, pour chacun d’eux, des souhaits et objectifs différents. “Dans la communauté arabe, on parle beaucoup de la Syrie et de ce qui s’y passe pour le moment, témoigne Ayoub, 20 ans, d’origine marocaine. J’ai des connaissances très proches qui sont parties là-bas. Quand je regarde les journaux télévisés belges, on nous parle de guerre civile. Quand je regarde Al Jazeera par exemple, on nous parle de guerre de religions. Tout est mélangé, il y a des groupuscules partout. C’est pour comprendre les dessous du conflit que je suis ici. Comprendre un conflit, c’est comprendre le monde”.

Nadia, 21 ans, va dans le même sens : “C’est vraiment le conflit en lui-même qui m’interpelle, qui me touche depuis le début. Je suis en constante remise en question. J’ai une opinion, mais je souhaite aiguiser mon regard”.

Germain, 16 ans, est là pour une toute autre raison : “Pour ma part, je suis vraiment venu pour l’aspect journalistique. Je connaissais un peu le sujet mais rien de plus. Ce qui m’intéresse, c’est d’aller dans les rédactions, de découvrir le métier en fait. Dans mon école, il n’y a personne qui porte le voile. Jusqu’à aujourd’hui, je n’avais jamais parlé avec des personnes qui se sentaient aussi concernées par le sujet. J’ai trouvé cette première journée très enrichissante, j’ai appris énormément de choses aujourd’hui”.

Et c’est tant mieux. Il ne reste plus qu’à coucher tout cela sur papier, qu’à mettre tout cela en musique. A vos plumes !