La Belgique poursuit le parcours militaire du gouvernement précédent

 

Après près de 500 jours de tergiversations, négociations, réunions en tout genre la Belgique a un gouvernement en bonnes et dues formes depuis ce matin. Vrede nous propose une intéressante lecture d’une partie de l’accord de gouvernement concernant la Défense, la place de la Belgique dans l’Europe militaire et la question des armes nucléaires. Voici la traduction de leur texte :

Dans le domaine de la défense, il y a peu de nouveautés dans le nouvel accord de coalition. En général, la ligne politique de la législature précédente sera poursuivie.

L’accord de coalition ouvre ce chapitre comme ceci : “La Belgique veut continuer à apporter une contribution crédible au sein des Nations unies” à la paix et à la sécurité internationales. Désormais, les missions militaires étrangères nécessitent un mandat “ferme” en vertu du droit international. C’était l’un des points de discussion de la Commission de défense qui a dû examiner en juin dernier la demande américaine de participation à l’opération Inherent Resolve en Irak et en Syrie avec l’envoi de 4 avions de chasse belges. Les partis d’opposition qui rejoignent maintenant le gouvernement (les Verts et les sociaux-démocrates) ont estimé que dans ce cas, il n’y avait pas de mandat “ferme” de l’ONU pour l’opération en Syrie. Cette mission débutera le 1er octobre 2020 et a déjà été approuvée par le gouvernement Wilmès. Il ne précise toutefois pas que cette mission sera annulée. Ce passage de l’accord de coalition ne semble donc s’appliquer qu’aux missions futures.

Ce qui est affirmé, c’est que le cadre d’information et d’évaluation de la politique de défense devrait être réalisé avec une plus grande transparence et une plus grande participation parlementaire. Cela s’applique tant aux missions, comme le Parlement l’a demandé dans une résolution en rapport avec la mission des F16 en Irak et en Syrie, qu’aux victimes civiles. Dans le passé, selon une étude internationale, la Belgique a été le pays le moins transparent en matière de diffusion d’informations. Les dirigeants des gouvernements et de l’armée a invariablement affirmé qu’il n’y avait pas eu de victimes civiles lors des raids aériens en Syrie et en Irak au cours des missions précédentes, mais cela n’a pas pu être prouvé car ils ont refusé de divulguer des détails tels que la date et l’heure d’un déploiement militaire spécifique. Les achats militaires devraient également être plus transparents, selon l’accord de coalition, ce qui pourrait être une réponse à la critique selon laquelle la procédure d’achat des F35 n’est pas assez transparente. Par exemple, le gouvernement a jusqu’à présent refusé de divulguer le contrat d’achat et la plupart des autres documents. “Confidentiel”, dit-il.

La Belgique reste fidèle à l’Europe militaire

En ce qui concerne la défense européenne, l’accord de coalition suit entièrement la ligne européenne officielle telle qu’elle a été définie ces dernières années dans la politique de sécurité et de défense commune. L’Europe doit avoir une autonomie stratégique et cela nécessite une capacité d’intervention militaire et une base militaire solide. Le Fonds européen de défense (FED) bénéficie également d’un soutien total dans l’accord de coalition. Le FED, créé en 2017, garantit que, pour la première fois dans l’existence de l’Union européenne, les fonds européens vont à la recherche et au développement (R&D) militaire et aux projets militaires communs. “Le gouvernement donnera à nos entreprises les meilleures chances possibles à cet égard“, dit-il. La Commission avait initialement prévu 13 milliards d’euros pour le FED (période 2021-2027), mais la crise du Covd-19 a ajusté cette ambition à 8 milliards d’euros. Les fonds du FED iront finalement à l’industrie de l’armement qui, malgré les restrictions officielles (critères européens sur le commerce des armes et législation nationale/régionale), peut continuer à fournir des armes aux zones de conflit.

Afin de stimuler le développement des capacités militaires (…), notre pays reste actif dans le cadre de la coopération structurée permanente (PESCO)“. Le PESCO est presque devenu le noyau du militarisme européen. Par exemple, selon le PESCO, les États membres participants doivent “régulièrement” augmenter les budgets de la défense. Vingt pour cent de ce budget de la défense doit être utilisé pour des investissements militaires, une norme préalablement convenue dans le cadre de l’OTAN. 2 % du budget de la défense nationale doivent être consacrés spécifiquement à la recherche et à la technologie militaires.

Armes nucléaires

Bien que le principe du désarmement nucléaire soit approuvé, il est très enveloppé. Le traité de non-prolifération (TNP) reste la pierre angulaire du régime mondial de non-prolifération nucléaire. Il s’agit de l’adoption de l’ancienne position belge, qui a toutefois également été utilisée pour miner et même boycotter le nouveau traité des Nations unies pour l’interdiction des armes nucléaires (TPNW, 2017). Il y aura maintenant une ouverture très prudente. La Belgique va maintenant examiner, avec les alliés européens de l’OTAN, comment “le traité des Nations unies pour l’interdiction des armes nucléaires peut donner un nouvel élan au désarmement nucléaire multilatéral“. C’est un petit pas en avant : du boycott du traité à la “vérification” du rôle qu’il joue. Mais il est formulé de manière très prudente et conditionnelle. On ne dit pas que la Belgique examinera si notre pays le signera, mais seulement si elle peut jouer un rôle. Pas un mot dans l’accord de coalition sur les bombes nucléaires de Kleine Brogel et leur renouvellement prévu. Cela semble également indiquer que la Belgique est loin d’être prête à mettre un terme aux tâches nucléaires dans le cadre de l’OTAN, après tout : “l’OTAN reste la pierre angulaire de la défense collective de l’Europe”. Rien ne montre que le gouvernement veuille porter un regard critique sur l’OTAN.

L’accord de coalition est aussi vague qu’il affirme qu’il continuera à soutenir “d’autres initiatives multilatérales” “sur le désarmement et la maîtrise des armements, y compris en dehors du domaine nucléaire“. Le seul engagement concret à cet égard est que notre pays souhaite développer un cadre réglementaire autour de systèmes d’armes totalement autonomes et “s’efforce” d’obtenir une interdiction internationale. Pour être clair : on ne dit pas que notre pays va interdire des systèmes d’armes complètement autonomes.

La politique de défense belge

Ici aussi, la politique du gouvernement précédent sera poursuivie. La vision stratégique pour la défense et la loi de programmation militaire continueront d’être mises en œuvre. Cependant, la loi de programmation militaire, qui a coûté 9,4 milliards d’investissements dans de nouveaux équipements militaires, a essuyé un feu nourri de la part de la Sp.a. car elle imposait également des obligations budgétaires aux futurs gouvernements. Il ne semble donc plus y avoir de problème à ce sujet. La vision stratégique de Steven Vandeput, alors ministre de la N-VA, a tracé une voie de croissance pour la défense afin d’augmenter le budget de la défense à 1,3 % d’ici 2030. L’accord de coalition contient un passage assez énigmatique qui peut être utilisé dans toutes les directions. Le gouvernement veut examiner comment il peut tracer une voie de croissance d’ici 2030 pour ramener notre effort de défense au niveau de celui des alliés européens de l’OTAN. L’OTAN stipule que les États membres devraient dépenser 2 % de leur PIB pour la défense d’ici 2024. La Belgique est en queue de peloton. La plupart de ses alliés sont déjà au-dessus des 1,3 % que la Belgique ne veut pas atteindre avant 2030. Ce passage de l’accord de coalition signifie-t-il que la Belgique veut finir plus haut d’ici 2030 ? (“à l’écoute des alliés” ?). Enfin, le gouvernement veut inverser l’exode de l’armée en rendant la profession militaire plus attrayante avec de meilleurs salaires (“recapitalisation dans le domaine du personnel“) et en accordant plus d’attention au bien-être des militaires et de leurs familles.”

Texte original